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  Guillaume LEKEU (Heusy 1870 - Angers 1894)

The english translation will appear as soon as possible :-)

Guillaume LEKEUGuillaume Lekeu est né à Heusy (près de Verviers), le 20 janvier 1870, mort à Angers (France) le 21 janvier 1894. On associe toujours le nom de Guillaume Lekeu à celui de César Franck, car il fut un de ses élèves les plus doués, mais si son style doit beaucoup à son illustre aîné, il révèle en même temps une profonde originalité. Malheureusement, on le retient aussi comme un des destins les plus tragiques de toute l'histoire de la musique, vu sa mort prématurée à l'âge de vingt-quatre ans.

Issu d'un milieu aisé (son père est négociant en laines), il commence à apprendre la musique très jeune : dès l'âge de six ans, il reçoit des cours de solfège, de piano et de violon. À cette époque, il se lie aussi d'amitié avec Mathieu Crickboom, son cadet d'un an. En mars 1879, sa famille émigre en France, à Poitiers. Tout en prenant des leçons de piano, de violon et violoncelle, il accomplit au lycée de cette ville des études générales brillantes. Il a en plus la chance d'y rencontrer un professeur de physique féru de musique, Alexandre Tissier, qui lui révèle Beethoven. C'est ce qui va décider de sa vocation. Il se lance alors avec passion dans l'étude des œuvres du maître de Bonn, en particulier ses derniers quatuors et sa 9è symphonie. Il commence aussi à s'intéresser en profondeur à Bach et à Wagner.

Peu après (l'été 1885), il compose ses premières œuvres, dédiées pour la plupart au violon, mais il se diversifie vite, abordant la voix et l'orchestre dès 1887. En 1888, il passe son baccalauréat en philosophie, et décide de se consacrer exclusivement à la composition. Sa famille est alors installée à Paris, mais il n'y fréquentera pas le Conservatoire comme il en avait d'abord eu l'intention. Un ami rencontré récemment, Théodore de Wyzewa (1862-1917), critique musical au Figaro (qui se rendra célèbre plus tard avec sa monumentale biographie de Mozart), le lui a fortement déconseillé : il travaillera plutôt en privé. Peu après, il prend des leçons d'harmonie chez un compositeur nancéien oublié aujourd'hui, Gaston Vallin (qui, contrairement à ce que l'on dit souvent, n'était nullement titulaire du Prix de Rome).

En 1889, il se rend au Festival de Bayreuth, dont il revient fortement impressionné. À l'automne, il est présenté à César Franck : émerveillé par les dons exceptionnels de son jeune compatriote, celui-ci accepte de s'occuper de lui. Ce sera son dernier élève ; bientôt, une amitié profonde s'installe entre les deux hommes. Peu après, Lekeu a la joie d'entendre sa 1ère Étude symphonique, qui est créée à Verviers par Louis Kéfer, le directeur de l'École de Musique, qui est un des premiers à jouer ses œuvres. La mort de Franck en novembre 1890 constitue par contre un choc terrible pour lui, dont il se remettra lentement, et qui est peut-être à l'origine de son célèbre Adagio (opus 3) composé l'année suivante. Entretemps, il s'est tourné vers un autre élève de Franck pour parachever sa formation, Vincent d'Indy. Devenu lui aussi un ami plus qu'un professeur, d'Indy lui suggère bientôt de concourir pour le Prix de Rome belge. Lekeu s'y présente en 1891, mais la cantate qu'il compose à cette occasion, Andromède, ne lui vaut qu'un second prix : l'originalité de sa partition, les influences wagnériennes que l'on y décèle, le fait qu'il ait préféré aller se former auprès de Franck plutôt que dans son pays, tout cela a joué contre lui, avec en plus une rivalité entre les Conservatoires de Bruxelles et de Liège qui ne le concernait nullement. . . Très déçu et choqué par cette injustice flagrante, il n'est pourtant en rien découragé et continue à travailler abondamment.

Le 18 février 1892, des extraits d'Andromède sont donnés en concert à Bruxelles. Présent dans la salle, Eugène Ysaÿe est enthousiasmé et commande au jeune compositeur ce qui deviendra une de ses pages les plus jouées, sa Sonate pour piano et violon. Elle sera créée en 1893 par le célèbre violoniste, à qui elle est dédiée, avec un très grand succès. La même année, Lekeu remporte un triomphe en dirigeant lui-même certaines de ses œuvres orchestrales en concert. Mais cette carrière qui s'annonçait des plus prometteuses va être interrompue brutalement : en octobre de la même année, il mange dans un restaurant un sorbet infecté de bacilles typhiques. Inconscient de la maladie qui commence à le miner, il envisage alors de se marier avec la fille d'un industriel verviétois, mais bientôt la fièvre typhoïde s'installe, et il meurt en janvier 1894, au lendemain de son anniversaire.

Étant donné la brièveté de son existence, l'abondance de son catalogue étonne : on y dénombre plus de cent titres, appartenant aux genres les plus divers, pièces pour piano et pour orchestre, musique de chambre, mélodies, fragments d'opéras. Bon nombre de ces pages sont restées inédites, et il est certain que toutes ne sont pas des chefs-d'œuvre (beaucoup ont été écrites à titre d'exercice), mais l'on y voit éclore et se développer une personnalité hors du commun, et les meilleures d'entre elles situent leur auteur parmi les plus grands.

Le style de Lekeu procède directement de Beethoven, de Wagner et de Franck, ce qui ne l'a pas empêché d'acquérir très vite un tour profondément personnel. Néanmoins, ce qui frappe le plus à l'audition de sa musique, c'est sa puissance et sa diversité expressives, reflet de son tempérament passionné et tourmenté à la fois. Il passe ainsi sans cesse de la douleur à la joie, de la mélancolie à la fougue, de la désolation à l'exubérance. De ce point de vue, c'est un musicien profondément romantique. Il a dit lui-même : "Je me tue à mettre dans ma musique toute mon âme" et "Je ne veux traduire en musique que des émotions ressenties". Dans plusieurs de ses œuvres, c'est un plan expressif qui a présidé à la structure : la succession des sentiments dépeints crée en partie la forme. C'est particulièrement vrai dans ses pièces de chambre, ce qui a fait dire qu'il avait créé la "musique de chambre à programme", ce qui excessif, car à deux exceptions près, ses compositions ne portent pas d'autre titre que le genre auquel elles appartiennent (sonate, trio,. . . ) : si intense que soit leur contenu expressif, elles ne peuvent être assimilées à de la musique à programme. Cet aspect est à l'origine d'un reproche qui lui a parfois été adressé : contrairement à Beethoven et Franck, qui coulent l'inspiration la plus passionnée dans des structures très solides, Lekeu se laisse parfois emporter par son imagination débordante au détriment de la forme. C'est toutefois un défaut mineur, qu'il aurait certainement éliminé si sa carrière ne s'était pas interrompue si tôt.

Pour l'harmonie, c'est un pur franckiste, poussant la tonalité dans ses derniers retranchements par le chromatisme, les modulations permanentes et une certaine modalité. Il reprend également à son maître la forme cyclique, qui consiste à faire circuler certains éléments thématiques d'un mouvement à l'autre au sein d'une œuvre. Ses lignes mélodiques, très chantantes, révèlent aussi l'influence de Franck par leur écriture ample et sinueuse, mais avec, au moins dans ses dernières œuvres, des tournures qui n'appartiennent qu'à lui.

De ses pages pour orchestre, on retient surtout l'extraordinaire Adagio pour quatuor d'orchestre (opus 3) composé en 1891. D'une immense nostalgie, la partition est aussi d'une grande richesse polyphonique, on y trouve jusqu'à sept parties de violon, cinq d'alto et cinq de violoncelle. Lekeu apparaît ici comme un précurseur de l'expressionnisme des premières œuvres d'Arnold Schœnberg, en particulier le sextuor Verklärte Nacht.

Également remarquable, la Fantaisie sur deux airs populaires angevins (1892), qui raconte une rencontre amoureuse dans un bal, révèle l'intérêt de Lekeu pour le folklore de l'Anjou. On l'a parfois rapprochée de la Symphonie cévenole de Vincent d'Indy. Moins connue, la Fantaisie contrapuntique sur un cramignon liégeois (1890) est d'un tout autre esprit, rare chez Lekeu : c'est une fugue humoristique sur un thème de danse populaire, le cramignon, où le compositeur montre son attachement à son terroir en parodiant l'écriture polyphonique scolaire. On retrouve davantage son style habituel dans ses deux Études symphoniques, dont la seconde est la plus réussie.

Dans sa musique de chambre, la première place revient à la Sonate pour piano et violon (1892). De caractère très mélodique, elle présente moins de débordements passionnés que d'autres partitions, mais y gagne en équilibre. L'union des deux instruments y est également magistrale. Il faut citer ensuite le Quatuor pour piano et cordes (1893), inachevé suite à la mort du compositeur (il se limite à deux mouvements, le second complété par Vincent d'Indy). C'est de nouveau une page à l'atmosphère passionnée où, comme il a dit lui-même en la composant, "aux cris de souffrance succèdent de longs appels au bonheur, où des cris d'amour succèdent au plus morne désespoir, cherchant à le dominer comme l'éternelle douleur s'efforce d'écraser la joie de vivre". À côté de ses deux titres, on retiendra aussi la Sonate pour violoncelle et piano, le Trio pour violon, violoncelle et piano et deux pages brèves pour quatuor à cordes, Méditation et un Molto adagio illustrant les paroles du Christ au Jardin des Oliviers : "Mon âme est triste jusqu'à la mort".

Pour le piano, il n'a laissé que quelques pages d'importance relative, dont les meilleures sont l'Andante en sol mineur, la Sonate et le recueil Trois pièces, mais il s'intéressait plus à la musique d'ensemble. On retiendra aussi ses mélodies, surtout les Trois poèmes, au caractère quasiment impressionniste, dont les textes sont de lui, ainsi que la cantate Andromède, qu'il qualifia de "poème lyrique et symphonique". Au vu de ce qu'il était déjà parvenu à écrire avant l'âge de vingt-quatre ans, on s'est souvent demandé comment Lekeu aurait évolué musicalement sans sa mort prématurée. Tout porte à croire qu'il serait devenu un des compositeurs les plus importants de la première moitié du XXème siècle.

 

Thierry LEVAUX
(Dictionnaire des Compositeurs de Belgique du Moyen-Âge à nos jours)


  

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